L’un des concepts fondamentaux de la théorie des systèmes familiaux est celui de la différenciation, définie, « comme la capacité d’être en relation émotionnelle avec les autres tout en demeurant autonome dans son fonctionnement émotionnel ».
Une personne peu différenciée « ne reconnait pas de limite émotionnelle entre elle même et les autres, ni celle qui empêche ses processus mentaux d’être submergés par ses processus émotionnels. Elle absorbe automatiquement l’anxiété des autres et génère une anxiété considérable en elle même. »
Une personnalité bien différenciée accepte ses propres émotions, lesquelles ne sont façonnées ni pour combler les attentes de l’autre, ni pour y résister. Elle ne refoule pas ses émotions ni ne passe impulsivement à l’acte.
Selon le concept du Docteur Kerr qui dirige le Georgetown University Family center, il y a une distinction entre deux types de différenciation
- la différenciation fonctionnelle et la différenciation fondamentale
Elles peuvent paraitre identiques, mais du point de vue de la santé et du stress elles n’ont absolument rien en commun.
- Dans la différenciation fonctionnelle, la capacité d’une personne se fonde sur les relations avec autrui. Par exemple, « je ne peux faire mon travail correctement lorsque les autres, mes employés, mon conjoint, mes enfants, sont là pour absorber mes anxiétés non résolues en supportant mon mauvais caractère, mes habitudes destructrices,mon manque d’engagement émotionnel et même mes comportements violents. S’ils refusaient de jouer les rôles que je leur assigne, je pourrais m’effondrer ». Voilà un exemple de différenciation fonctionnelle.
- Dans la différenciation fondamentale, au contraire, la capacité de fonctionner est indépendante de la contribution des autres à la vie émotionnelle. La personne est capable de s’engager envers les autres tout en restant émotionnellement ouverte à eux et à elle.
Une personne à la personnalité peu différenciée est plus susceptible de subir des stress émotionnels et de souffrir de maladies physiques.
La nature a pour but ultime de favoriser le développement de l’individu, de la dépendance absolue à l’indépendance totale, ou plus exactement à l’interdépendance d’adultes matures vivant en société. Le développement est un processus par lequel on passe du régulation complètement externe à l’autorégulation, dans la mesure ou le programme génétique le permet. Les gens chez qui l’autorégulation s’est bien opérée ont des interactions plus fructueuses avec les autres membres de la collectivité, et leurs enfants ont de meilleures chances de devenir le même genre d’adultes. Tout élément qui interfère avec l’acquisition de l’autorégulation menace les chances de survie à long terme de l’organisme. Dès le début de la vie, on assiste à une tension entre les besoins complémentaires de sécurité et d’autonomie. Le développement requiert le passage graduel et en temps opportun de la primauté des besoins de sécurité à la primauté des besoins d’autonomie, c’est à dire de l’attachement à l’individuation. Ni l’un ni l’autre n’est complètement perdu, mais ni l’un ni l’autre ne doit dominer au dépend de l’autre.
Plus la capacité d’autorégulation d’une personne adulte est grande, plus elle à besoin d’autonomie et de liberté de choix. Tout ce qui menace son autonomie sera perçu comme source de stress.
Le STRESS d’un animal ou d’un humain s’amplifie lorsqu’il n’a pas le pouvoir de réagir efficacement à son environnement social ou s’il se sent impuissant et incapable de faire des choix valables; autrement dit, lorsque son autonomie est menacée.
L’autonomie doit cependant s’exercer de manière à ne pas perturber les relations sociales dont la survie dépend, soit les relations émotionnelles avec des proches et les relations sociales avec des gens qui comptent, employeurs, collègues et figures d’autorité. Moins la capacité d’autorégulation émotionnelle est développée pendant la petite enfance, plus l’adulte dépend de ses relations pour maintenir son homéostasie. Plus grande est la dépendance, plus grande sera la menace lorsque ces relations disparaitrons ou seront compromises. Ainsi la vulnérabilité au stress physiologique et subjectif est proportionnelle au degré de dépendance émotionnelle.
Pour minimiser le stress d’une relation boiteuse, une personne peut renoncer à une partie de son autonomie. Malheureusement, ce n’est pas une recette de santé, car la perte d’autonomie en soi est une cause de STRESS. Le renoncement à son autonomie élève le niveau de stress, même s’il semble essentiel à la « préservation » d’une relation et même, si, subjectivement, nous ressentons un soulagement lorsque notre sécurité nous est ainsi rendue. Si on refoule ces émotions de manière chronique dans le but d’être « accepté » par les autres, on augmente ses risques d’avoir à payer le prix sous la forme de maladie. Une telle personne peut aussi choisir de se protéger du stress qu’engendrent les relations menacées en se retirant en elle-même. Pour se sentir en sécurité malgré sa vulnérabilité, elle s’éloigne des autres et se ferme à toute forme d’intimité. Cette façon de composer avec le STRESS permet peut-être d’éviter l’anxiété et de bloquer l’expérience subjective du stress, mais l’influence physiologique ne disparait pas pour autant. L’intimité émotionnelle est une nécessité psychologique et biologique. Ceux qui élèvent des murs pour se protéger de l’intimité ne font pas preuve d’autorégulation. Ils sont émotionnellement paralysés. Le stress causé par l’insatisfaction de leurs besoins sera élevé.
Le soutien social aide à réduire le stress psychologique. Les liens entre la santé et l’environnement social ont été amplement démontrés. Nous savons aujourd’hui que les sujets isolés socialement courent plus de risques de contracter toute sortes de maladies. « Le soutien et les liens sociaux demeurent en soi un puissant indicateurs de la morbidité et de la mortalité, indépendamment des autres facteurs de risque ».
Pour les adultes, la régulation du stress biologique dépend d’un dosage délicat entre la sécurité sociale et les relations, d’une part, et la véritable autonomie, d’autre part. Tout ce qui détruit cet équilibre, que la personne en soit ou non consciente, constitue une source de stress.