LE BON, LA BRUTE OU LE TRUAND
LE BIEN, LE FORT ET LE MAL
Nos interactions forment l’enjeu du tribunal moral
Le discours sur les intentions engendre un pataquès inextricable, où le fait d’imputer directement à nous même ou à nos proches ce qui nous fait mal revient à augmenter la souffrance.
Cette contradiction aggrave hyperboliquement la souffrance, puisqu’elle implique que nous ne pouvons pas en même temps être liés par des liens d’affections (amis, amants, parents, frères, sœurs, etc) alors qu’entre nous, il se passe « ça, l’anomalie, l’accident dont la conscience ne peut pas plus douter que de sa propre souffrance » (le grain de sable qui désorganise le système, la goutte d’eau qui fait déborder le vase, l’opinion différente etc).
Par exemple :
Dire à une personne qu’elle se trompe sur ce qu’elle est, sur ce qu’elle sent, sur ce qu’elle veut, c’est la destituer de son statut de première personne, ce qui reviens ni plus ni moins à dire JE à sa place. Cette substitution à la conscience de soi rend littéralement fous les humains; elle revient à leur révéler qu’ils n’ont aucun contrôle sur leur identité. Il y a là une telle violence que ceux qui la commettent, c’est à dire presque tout le monde, devraient être condamnés à des pénalités de silence.
Mais condamnés par qui ?
Par ceux d’en face, qui font la même chose ?
Pour résoudre cette contradiction entre son objet d’amour et sa souffrance, surtout lorsque cette contradiction est très frontale, très simplifiée, la conscience individuelle incline tout naturellement à s’attaquer à l’image de l’autre: voilà pourquoi elle parle à sa place et lui explique ses intentions à lui (l’autre), du point de vue de sa souffrance à elle (conscience).
Tel est l’enjeu du tribunal moral, où il nous arrive d’adopter l’attitude de juges les uns envers les autres. Avant d’aborder les notions de non jugement, il est indispensable d’avoir admis ceci, qui me semble être l’un des piliers d’une éthique des interactions:
La souffrance Précède l’évaluation.
En d’autres termes, les humains ne se posent pas la questions « du bien et du mal ». Le problème qu’ils rencontrent régulièrement est plutôt :
Pourquoi ai-je mal ?
Où est le mal ?
Il semble donc essentiel de ne pas préjuger de l’intention de l’autre, mais de regarder la brèche ou est venue s’engouffrer notre souffrance.